Le Centre de la photographie Genève (CpG) présente la première exposition institutionnelle en Europe de Fred Lonidier du 12 juin au 6 septembre 2015, en collaboration avec l’Istituto Svizzero di Roma. L’exposition trouve aussi une extension dans la Salle des Pas Perdus du Palais des Nations de l’ONU à Genève du 10 juillet au 21 août 2015, avec le partenariat de la mission permanente des États-Unis d’Amérique à l’ONU.
Fred Lonidier
Commissaire Genève: Joerg Bader
Commissaire Rome et Zürich: Egija Inzule
Une collaboration entre l’Istituto Svizzero di Roma, et le Centre de la photographie Genève. L’exposition est aussi à voir au Palais des Nations (ONU Genève), au CLAP – Camere del Lavoro Autonomo e Precario à Rome et à la Haute École d’art de Zurich
La série 29 ARREST, montrée une première fois au CpG dans l’exposition collective AGAINST THE GRAIN en 2014, est le point de départ de l’exposition STRIKE de Fred Lonidier (*1942, Lakeview, OR, vit et travaille à San Diego).
29 ARREST montre vingt-neuf fois le même dispositif : un photographe de la police, de dos, tirant le portrait d’un des étudiants arrêtés à l’occasion d’un sit-in devant le QG de la marine de l’armée US à San Diego, lorsque celle-ci lançait les bombardements massifs contre le Cambodge en 1972.
Cette série, que l’artiste considère comme l’une de ses premières œuvres importantes, est aussi la trace de sa radicalisation politique, après que sa sœur aînée l’ait familiarisé avec le féminisme.
Membre dès 1965 de la SDS (Students for Democratic Society), la guerre post-coloniale des E.U. contre le Vietnam fut un important facteur dans la politisation et la radicalisation de centaines de milliers d’étudiants, dont aussi celle du jeune professeur d’art qu’il était dans sa toute nouvelle Université de Californie de San Diego. L’UCSD comptait parmi ses étudiants Angela Davis et parmi ses collègues marxistes, Herbert Marcuse et Frederic Jameson. Le premier, fuyant l’Allemagne nazie était affilié à la théorie critique de l’école de Francfort tandis que le deuxième menait une critique de la culture sous ses auspices économiques et politiques, le rapprochant des pionniers des « Cultural Studies ».
Ainsi, pour Fred Lonidier le terme « art » ne fait pas sens si on ne l’enracine pas dans son sol historique, politique, social et économique. En ce sens, les avant-gardes historiques du début du XXème siècle et plus spécifiquement les constructivistes soviétiques font référence pour l’artiste, car ils visaient clairement, par leurs activités artistiques, des changements de société ; citons aussi comme influence l’artiste marxiste, John Heartfield et surtout le dramaturge Bertolt Brecht.
Au début des années 70, Fred Lonidier se trouve à l’UCSD avec un groupe informel de professeurs, dont Phel Steinmetz, et d’étudiants, dont Martha Rosler et Allan Sekula, décidés à en finir avec le mythe de la photographie documentaire à la Dorothea Lange et Walker Evans – d’une histoire de l’Amérique de la dépression qui au fil du temps avait été complètement vidée de son mordant politique pour devenir un objet d’histoire de la photographie, c’est-à-dire de contemplation muséale.
Ils voulaient reformuler un nouveau documentarisme et se tournèrent vers la forme d’avant-garde la plus contemporaine : l’art conceptuel. Mais au contraire de leurs collègues de la côte est, à l’instar d’un Joseph Kosuth ou d’un Lawrence Weiner qui perpétuaient la notion d’autonomie de l’œuvre d’art cultivée par les peintres de l’école de New York, puis par les minimalistes, ils se servaient du texte écrit et de la photographie pour les charger de contenus social et politique.
Ainsi, dans l’exposition STRIKE au CpG on découvrira, suite à la série 29 ARREST et DRAFT RESISTENCE, rapportant aussi une manifestation contre la guerre des E.U. au Vietnam, cette fois-ci à Seattle (où Allan Sekula réalisera en 1999 WAITING FOR TEAR GAS), la série VACATION VILLAGE TRADE SHOW : A MATERIAL PIECE. Dans l’esprit de l’art conceptuel, elle thématise sur
un air de féminisme l’aspect machiste des sessions de photographie avec modèles posant en bikini dans des jardins publics, organisées pour des photographes amateurs prêts à payer 20 $, tout en mettant en avant, à l’exemple de publicité de l’époque, l’accentuation de la domination mâle par les publicités des fabricants d’appareils et objectifs photographiques.
Si le militantisme dans l’art par Fred Lonidier commence avec les séries liées au mouvement anti-guerre qui comptaient jusqu’à 750'000 activistes à travers le pays, avec 100'000 étudiants inscrits au SDS en 1968, si le féminisme est présent avec VACATION VILLAGE TRADE SHOW : A MATERIAL PIECE ou WEDDING (présenté au CPG sous forme de projection digitale), la plus importante part du travail de l’artiste et aussi sa position la plus radicale se réalisent à partir des années 80.
La radicalité de la démarche de Fred Lonidier ne consiste pas seulement à se détourner des lieux d’art, spécialement à partir des années 80 en investissant des centres communautaires, des librairies et autres locaux syndicaux, jusqu’à aller même devant les usines avec un grand camion, tel qu’il l’a fait pour la présentation de la série NAFTA. C’est aussi sur un niveau esthétique qu’il opère un changement radical en adoptant des formes de la culture populaire, allant des journaux à sensation jusqu’aux imprimés de publicité populaires – la lecture principale du monde ouvrier. Ainsi, Fred Lonidier ne postule plus la position des avant-gardes historiques qui insistaient sur le fait que le quotidien doive s’élever au niveau des plus pointus (de Stijl, Bauhaus, etc) ; au contraire, il épouse les formes de ceux qu’il souhaite voir s’émanciper.
NAFTA va donc aussi être la pièce la plus importante dans l’exposition STRIKE. Les 22 panneaux comprenant des photographies et du texte, datant de 1997 à 2006, sont un appel aux ouvrières et ouvriers des Maquiladores des deux côtés de la frontière Mexique/E.U. Avec son travail artistique, Fred Lonidier ne menait pas seulement une campagne de contre-information au sujet du traité d’échange entre les deux nations américaines appelé North American Free Trade Agreement - ce qui devient dans le langage militant Not A Fare Trade – mais aussi un appel à l’attention de cette main d’œuvre très bon marché à se syndicaliser et à défendre ses droits.
Un autre volet de son travail fort marqué par l’activisme syndicaliste sera présenté du 10 juillet au 21 août 2015 dans la Salle des Pas Perdu à l’ONU à Genève. Il s’agit d’une campagne en faveur du syndicalisme que Fred Lonidier avait lancée en 1983 sous le titre de I LIKE EVERYTHING NOTHING BUT THE UNION dans un paysage politique des E.U. où la gauche était complètement laminée par l’aile dure des conservateurs ultralibéraux, qui entamait avec l’Angleterre sous Maggie Thatcher le démantèlement de l’état-providence qui perdure avec véhémence jusqu’à aujourd’hui dans les pays occidentaux.
L’exposition Fred Lonidier – Strike bénéficie du soutien de: U.S Mission to the United Nations Geneva Volkart Foundation
SoutiensSponsors
Fiche d'artisteArtist file
Pour Fred Lonidier le terme « art » ne fait pas sens si on ne l’enracine pas dans son sol historique, politique, social et économique. En ce sens, les avant-gardes historiques du début du XXème siècle et plus spécifiquement les constructivistes soviétiques font référence pour l’artiste, car ils visaient clairement, par leurs activités artistiques, des changements de société ; citons aussi comme influence l’artiste marxiste, John Heartfield et surtout le dramaturge Bertolt [...]
Pour Fred Lonidier le terme « art » ne fait pas sens si on ne l’enracine pas dans son sol historique, politique, social et économique. En ce sens, les avant-gardes historiques du début du XXème siècle et plus spécifiquement les constructivistes soviétiques font référence pour l’artiste, car ils visaient clairement, par leurs activités artistiques, des changements de société ; citons aussi comme influence l’artiste marxiste, John Heartfield et surtout le dramaturge Bertolt Brecht. Au début des années 70, Fred Lonidier se trouve à l’UCSD avec un groupe informel de professeurs, dont Phel Steinmetz, et d’étudiants, dont Martha Rosler et Allan Sekula, décidés à en finir avec le mythe de la photographie documentaire à la Dorothea Lange et Walker Evans – d’une histoire de l’Amérique de la dépression qui au fil du temps avait été complètement vidée de son mordant politique pour devenir un objet d’histoire de la photographie, c’est-à-dire de contemplation muséale. Ils voulaient reformuler un nouveau documentarisme et se tournèrent vers la forme d’avant-garde la plus contemporaine : l’art conceptuel. Mais au contraire de leurs collègues de la côte est, à l’instar d’un Joseph Kosuth ou d’un Lawrence Weiner qui perpétuaient la notion d’autonomie de l’œuvre d’art cultivée par les peintres de l’école de New York, puis par les minimalistes, ils se servaient du texte écrit et de la photographie pour les charger de contenus social et politique.
Très tôt, l’artiste a été engagé dans les luttes féministes et pacifistes. Il a étudié à l’Université de Californie de San Diego du temps de l’enseignement de Herbert Marcuse et de Frederic Jameson. Au début des années 1970, Fred Lonidier se retrouve dans un groupe informel avec des professeurs tels que Phil Steinmetz et des étudiants comme Martha Rosler et Allan Sekula. À partir des années 1980 il met son travail au service de syndicats ouvriers, allant jusqu’à louer un camion pour présenter son exposition devant les usines. Le CPG l’a déjà montré dans des expositions collectives et lui a consacré sa première exposition institutionnelle en Europe. Lonidier présente dans OSMOSCOSMOS une critique féministe de la représentation de la femme, en documentant des cours pour photographes amateurs donnés dans des parcs publics avec location de modèles.