Le Centre de la photographie Genève présente la première exposition personnelle en institution de Dorothée Baumann, née à Berne en 1978 et formée à l’Ecole Supérieure de Photographie de Vevey et à la HEAD (Haute Ecole d’Art et de Design de Genève). Sa pratique artistique répond à deux exigences: l’enquête et l’expérience. Elle travaille en fonction des contextes auxquels elle se confronte et prend en compte les qualités et les spécificités d’un lieu, sa géographie, les tensions économiques, politiques et sociales qui s’y jouent.
Dans son dernier travail Pleasure Arousal Dominance (2011), Dorothée Baumann documente la mise en place et le développement du nouveau centre de recherche fondamentale en neurosciences, le Brain & Behaviour Laboratory (BBL) chapeauté par l’Université de Genève, officiellement ouvert en 2009. L’artiste a observé le lieu pendant trois ans, ce qui lui a permis de faire connaissance avec les chercheurs et leurs outils de travail ainsi que de se familiariser avec les résultats de leurs recherches. Dans cette enquête, l’artiste s’applique à collecter des documents. Il ne s’agit pas de rapprocher des réalités disjointes – l’art et la science – ou de révéler le monde de la science fondamentale, mais de déplacer son autorité première.
Il en ressort une série de photographies en noir et blanc où le corps et le sujet, en tant qu’individu porteur d’une subjectivité, sont fragmentés et réduits à une substance chiffrable. À l’immatérialité a priori insaisissable, non mesurable et non programmable de nos affects, vient se substituer la matérialité d’espaces et d’instruments de mesure d’apparence austère (un bureau, une chaise, un territoire tracé au scotch sur le sol) ou renvoyant plus directement à l’imaginaire d’une science dure (des « machines » tels un IRM ou un bonnet-méduse appareillé). Le trouble provoqué par un tel décalage tient sans doute au fait qu’à défaut de pouvoir saisir le sujet d’étude auquel se consacrent ici un certain nombre de chercheurs, malgré la conformité des moyens utilisés – appareil photo et caméra –, l’artiste choisit de photographier non pas l’analysé (individu cobaye) mais l’analyste lui-même (l’opérateur) et ses outils.
Au cours de cette période, Dorothée Baumann a découvert une collection de photographies : les IAPS Pictures (International Affective Picture System). Une collection étonnante, composée de 823 photographies créées pour la recherche en sciences affectives par les chercheurs Peter J. Lang, Margaret M. Bradley et Bruce N. Cuthbert, dans les années 1990. C’est une banque d’images importante, faisant référence dans ce domaine scientifique. Chaque photographie véhicule des valeurs affectives (Affective Norms) traduites sous forme de chiffres, servant à provoquer et à mesurer l'impact émotionnel. Les stimulations que ces images impliquent et révèlent vont du plaisir et de l’excitation jusqu’à la domination, d’où son titre : Pleasure, Arousal and Dominance. Cette banque d'images et son système d’évaluation sont utilisés dans de nombreuses recherches en sciences affectives.
Dans l’exposition Pleasure Arousal Dominance de Dorothée Baumann, des fragments de sa propre recherche dialoguent avec des éléments d’archives. Par exemple, l’artiste s’est arrêtée sur un fragment de l’archive #3180, intitulée BatteredFem, portant la valeur 1.92 dans le tableau unisexe de l’IAPS. Figurant au 40e rang sur l’échelle de valeurs «unpleasant-pleasant», cette photographie de Nan Goldin, intitulée Nan, one month after being battered incarne la confrontation entre quête artistique subjective et recherche scientifique de formatage émotionnel.
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Fiche d'artisteArtist file
Dorothée Elisa Baumann est une artiste conceptuelle. Elle vit et travaille entre Biel/Bienne et Genève. Sa dernière publication Pleasure Arousal Dominance (Editions CPG, 2017) explore les pratiques et outils d’un centre de recherche fondamentale en neuroscience. En mettant en perspective l’usage de pratiques scientifiques et populaires vis-à-vis d’images, elle pose un regard critique sur la culture visuelle occidentale :
Dans son travail en cours T [...]
Dorothée Elisa Baumann est une artiste conceptuelle. Elle vit et travaille entre Biel/Bienne et Genève. Sa dernière publication Pleasure Arousal Dominance (Editions CPG, 2017) explore les pratiques et outils d’un centre de recherche fondamentale en neuroscience. En mettant en perspective l’usage de pratiques scientifiques et populaires vis-à-vis d’images, elle pose un regard critique sur la culture visuelle occidentale :
Dans son travail en cours Take a Better Picture, elle passe au crible le système occidental de la photographie à travers une pratique d’archivage, de collage et de vidéo, ainsi que par des installation et la mise en conflit d’objets. Elle déconstruit les principales références de la culture de la photographie européenne et la transmission de celle-ci. Elle remet en question ces hypothèses originelles et revient au questionnement ontologique touchant à l’acte photographique-même. Par son expérience passée en tant que photographe et rédactrice photo, elle affirme que son outil de travail, l’appareil photo, tel qu’il est conceptualisé depuis 1888 (Kodak), pose le photographe en tant qu’une machine de production, et l’acte de photographier comme une «pratique progressiste»
Ses travaux sont régulièrement exposés en Suisse et à l’étranger : Inauguration Centre d’art contemporain Walter Benjamin (Perpignan, 2013), Play and Replay, biennale de la photographie (Mulhouse, 2013), lauréate du prix de la critique (Voies Off, rencontres int. de la photographie, Arles 2012), exposition individuelle au Centre de la photographie Genève (2012), Jeunes Talents Suisse (VfG, Zurich, Bâle, Vevey, Lucerne, 2008), photoforum centre PasquArt Sélection (Bienne, 2012), Fotomuseum Winterthur Plat(t)form (Winterthur, 2008), Musée de l’Elysée espace en avant première (Lausanne, 2009), Non-lieu Journées photographiques (Bienne, 2007), About Face, Hayward Gallery (Londres, 2004).