Le Centre de la photographie Genève a le plaisir de présenter la première exposition monographique d’envergure d’Abdo Shanan, photographe soudano-algérien basé à Alger. Elle portera principalement sur l’un de ses projets au long cours, Dry, explorant des questions identitaires et de représentation intimement liées à son expérience personnelle.

Revenu s’établir en Algérie en 2009 après avoir passé une majeure partie de son enfance et adolescence en Lybie, Abdo Shanan a progressivement développé un intérêt croissant pour la photographie, qui se concrétise d’abord en 2012 avec un stage chez Magnum à Paris. Son travail, pensé comme une exploration photographique, est issu d’un désir profond et urgent de saisir la réalité de sa génération en Algérie. Il entend ainsi offrir un contrepoint narratif à une histoire visuelle écrite avant tout par les puissances coloniales, et à des images d’actualité réduisant l’Algérie à une série de crises. La photographie représente un outil d’affirmation de soi, qui traduit la nécessité de faire entendre sa voix et l’urgence de maîtriser son propre récit.

Le travail d’Abdo Shanan s’ancre dans l’expérience de la migration et de l’exil, qu’il s’agisse du vécu de l’artiste lui-même ou de celui des personnes qu’il rencontre, photographie et dont il conserve les témoignages, en Afrique comme en Europe. Au passage du 19e au 20e siècle, le penseur W.E.B. DuBois, soulignait déjà le conflit identitaire du soi Africain-Américain, tiraillé entre les normes que la pensée blanche et dominante impose et une volonté d’émancipation liée à une forme d’exil. Traversé par une expérience similaire, Abdo Shanan construit un soi pluriel et complexe, qui évolue dans un réseau de personnes, d’expériences, de lieux, et questionne des limites imposées. Il entend ainsi offrir des récits collectifs et individuels de l’expérience de l’exil et des identités protéiformes qu’il façonne, contournant les stéréotypes communément présents dans les médias et la culture visuelle qui véhiculent les discours dominants et normatifs.

L’exposition présentera un dialogue entre les images photographiques — provenant d’un corpus d’une centaine d’images — et des textes écrits — témoignages des personnes photographiées, réflexions personnelles de l’artiste et extraits de textes marquants. Elle retracera, dans une forme non chronologique ou documentaire, mais axée sur une expérience immersive du visiteur, les moments importants de cette recherche de nouvelles formes d’expression d’identités plurielles, complexes et en constante évolution. Ainsi, L’Île des morts d’Arnold Böcklin, peinture célèbre du 19ème siècle largement diffusée sur de nombreux supports imprimés, s’immisce dans l’exposition, témoignant des influences et des inspirations multiples qui nourrissent Shanan. Avec cette exposition, le CPG souhaite, au travers du point de vue fort et singulier de l’artiste, contribuer à esquisser de possibles réponses à certaines questions identitaires actuelles majeures. Il entend également donner une visibilité subtile et pertinente à des problématiques souvent invisibles, ou au contraire abordées de manière simpliste ou spectaculaire.