Philippe Durand – Offshore
44 pages
28,0 x 20,0 cm
FR / EN
Édition 2008
Rupture de stockOut of stock 978-2-970056-93-5
0 CHF INCL. TAX
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"Philippe Durand s'intéresse au décalage entre l'image magnifiée par la publicité de ces signes et de ces objets et leur fonctionnement réel. Les figures, les sujets des photographies donnent à voir les indices de production d'une société capitaliste.
Suivant la logique des photographes purement visuels, il faudrait, en définitive, appeler Philippe Durand un photographe (tout comme Christopher Williams), car les deux font le travail que les photographes refusent de faire: représent [...]
"Philippe Durand s'intéresse au décalage entre l'image magnifiée par la publicité de ces signes et de ces objets et leur fonctionnement réel. Les figures, les sujets des photographies donnent à voir les indices de production d'une société capitaliste.
Suivant la logique des photographes purement visuels, il faudrait, en définitive, appeler Philippe Durand un photographe (tout comme Christopher Williams), car les deux font le travail que les photographes refusent de faire: représenter tout ce qui est produit par le monde marchand pour être représenté. Le reste, c’est de l’exotisme. Cette accumulation d’images sur les supports les plus divers, il faut les ramener à nos consciences; cesser de les traiter comme des parasites sur lesquels nos regards doivent glisser. Mettre en lumière formes et images subliminales : nous voilà en plein débat sur le réalisme. Qu’est-ce qui constitue le réel? Le monde de la visibilité produit sous le régime capitaliste : information, publicité/marketing, divertissement, savoir, culture? La pollution visuelle, propre au nouveau capitalisme, entre en écho avec l’opacité du monde de la finance, celui qui régit le capitalisme ultralibéral appliqué par la Société du Mont-Pèlerin.
Ainsi, ce qui, au premier coup d’œil, pourrait paraître paradoxal dans le projet OFFSHORE de Philippe Durand – photographier la part invisible du capitalisme – n'est finalement que l’aboutissement d’une démarche mise en place il y a environ quinze ans, ceci étant son ultime conséquence. Riche de son expérience antérieure, de pointer la visualité du monde marchand, il s’est déplacé en 2006 aux Caraïbes, pour n’y trouver que des bourgades dans un paysage tropical. Mais ces paysages luxuriants, qu’il enregistre de façon aussi détachée qu’en photographiant du macadam à Hollywood, hébergent les chambres de compensation par où une bonne partie de la richesse produite par le capitalisme mondial transite pour devenir invisible – circulez, y’a rien à voir ! Et en effet, il n’y a rien à voir, les chiffres sur les écrans des chambres de compensation défilent loin des yeux de tous les photographes et de tous les juges fiscaux du monde. En photographiant juste les banques et leurs enseignes, le photographe réactualise la remarque que Bertold Brecht faisait en 1931 : « Ce qui complique encore la situation (des arts reproductibles) c’est que moins que jamais, la simple reproduction de la réalité ne dit quoi que ce soit sur cette réalité. Une photographie des usines Krupp ou de l’AEG ne nous apprend pratiquement rien sur ses institutions. La réalité proprement dite a glissé dans son contenu fonctionnel. La réification des relations humaines, par exemple l’usine, ne permet plus de les restituer ».
Mais en confrontant ces façades kitsch et insignifiantes des banques offshore à la « marchandise image », des limousines, des 4x4, des voiturettes de golf, des bateaux à moteur, à voile ou des yachts, il compense l’invisibilité de la finance noire par le régime d’hypervisualité que l’hypercapitalisme produit. Du côté de la finance, de la valeur d’échange, il n’y a rien à voir, mais du côté de la production d’image, de la valeur d'usage, c’est l’exhibitionnisme total. Et l’un conditionne l’autre. Le nouveau capitalisme roule au moins en 4x4: deux roues dans la finance, deux dans la communication – appelons-la la production d’images." Texte par Joerg Bader