Tout le travail théorique et de terrain d’Anaëlle Vanel, du Fort du Taureau où fut emprisonné le révolutionnaire communard August Blanqui jusqu’à Varsovie où est conservé l’herbier de Rosa Luxembourg (auquel elle se consacra jusqu’à son assassinat), participe fondamentalement à exprimer les gestes grâce auxquels la photographie contribue à préserver l’histoire. Ces gestes ont créé un laboratoire hors-temps sur les façons de maintenir partout, des fronts de désobéi [...]
Tout le travail théorique et de terrain d’Anaëlle Vanel, du Fort du Taureau où fut emprisonné le révolutionnaire communard August Blanqui jusqu’à Varsovie où est conservé l’herbier de Rosa Luxembourg (auquel elle se consacra jusqu’à son assassinat), participe fondamentalement à exprimer les gestes grâce auxquels la photographie contribue à préserver l’histoire. Ces gestes ont créé un laboratoire hors-temps sur les façons de maintenir partout, des fronts de désobéissance de l’art et de confronter en permanence une activité symbolique aux limites de son efficacité pratique. En ce sens, lorsqu’à propos de Rosa Luxembourg, Anaëlle Vanel relève que chaque plante est un point d’ancrage soustrait à l’instabilité du temps historique, cela apparaît au titre de la levée d’un trauma, au sens ou la puissance des pensées révolutionnaires y redevient affirmative, et ne se confond plus avec le deuil, l’échec ou le refoulement. À la question de la répression et de l’enfermement, Anaëlle superpose celle de la psychothérapie et du langage par l’écriture. Elle se rend en Algérie à plusieurs reprises et photographie le journal intérieur de l’hôpital psychiatrique de St Alban, l’hôpital du Docteur Franz Fanon, qui écrit le rôle thérapeutique de l’engagement. La tablette sumérienne, c’est l’acte de vente d’un esclave dans la ville de Shurrupak, 2600 avant J.C. et c’est la naissance de l’écriture. Le dessin d’enfant de Claudine V. qui dit « Idées cachent ma base de pierre », c’est ce qui reste et qu’on ne peut pas renier, et comme le dit l’artiste, à partir de quoi on peut reconstruire.
Anaëlle Vanel (*1991, Mende, vit et travaille à Berlin). Son travail photographique repose sur le principe de la rareté. Chaque photographie est l’aboutissement d’une sédimentation d’expériences et d’histoires. Chaque image est autonome. Le texte, second versant de sa pratique, est un hors-champ qui creuse la photographie. La photographie se révèle être la dépositaire d’une histoire qu’elle enclôt. Il s’agit de préserver cette histoire, le mystère initial de la rencontre, de ne pas abîmer l’objet photographié. La mise en lumière n’est pas destruction : l’objet ne s’exhibe pas. Alors, ce que l’on voit n’est jamais tout ce qu’il y a voir. Diplômée de l’ENSBA Lyon en 2014, ses oeuvres ont été présentées en France et à l’étranger dans des expositions collectives, notamment à la Villa Medicis, Rome; au Musée d’Art Moderne et Contemporain, Saint Etienne; Kunsthalle der Sparkasse, Leipzig.
Photographie : Annaëlle Vanel, 2600 avant J.C., acte de vente d’un esclave mâle et d’une maison de la ville de Shuruppak, tablette sumérienne archaïque, 2017