L’exposition centrale des 50JPG 2013 interroge la qualité documentaire de la photographie. Il est certain que nous partageons la conviction que la production d’images optiques fonctionne toujours comme témoignage de notre monde tangible. Cette croyance du XIXe siècle, scientifique et positiviste, est ébranlée dans les sociétés capitalistes contemporaines par la déréalisation de nos vies et la spectacularisation de l’information. Et les artistes y participent en renversant les codes photographiques, tels Jeff Wall ou Cindy Sherman qui constitueront le point de départ de l’exposition.
Vlado Alonso / Ariane Arlotti / Éric Baudelaire / Hippolyte Bayard / Emmanuelle Bayart / Valérie Belin / Beltracchi / Mathieu Bernard-Reymond / Mohamed Bourouissa / / Matthias Bruggmann / Victor Burgin / Asger Carlsen / Julien Chatelin / Vincent Debanne / Stan Douglas / Philippe Dudouit / George Dupin / Philippe Durand / Pierre de Fenoÿl / Harald Fernagu / Vincent Fournier / Michel François / Serge Fruehauf / Agnès Geoffray / Régis Golay / / G.R.A.M. / Lourdes Grobet / Nadja Groux / Beate Gütschow / Anne Hardy / Benjamin Hugard / Guillaume Janot / Shai Kremer / Angèle Laissue / Miguel Leache / Sébastien Leseigneur / Jérôme Leuba / Sherrie Levine / Nicolas Lieber / Virginie Otth / Sylvère Lotringer / Patrice Loubon / Christian Lutz / Mirko Martin / Jérôme Massard / Bjørn Melhus / Olivier Menanteau / Enrique Metinides / Gian Paolo Minelli / Francis Morandini / Gianni Motti / Uriel Orlow / Marco Poloni / Aurélie Pétrel / / Jean Revillard / Reynold Reynolds / Andrea Robbins & Max Becher / Juliette Russbach / Gilles Saussier / Christian Schwager / Bruno Serralongue / Cindy Sherman / Björn Siebert / Sebastián Skira / Jules Spinatsch / Clare Strand / / Sabine Tholen / Peter Tillessen / Catherine Val / Jeff Wall / Martin Widmer / Akram Zaatari / Gilles Verneret
commissaire : Joerg Bader
commissaire associé : Sébastien Leseigneur
fALSEfAKES est la suite de la programmation des dernières douze années du CPG, soucieuse de proposer des positions artistiques contemporaines susceptibles de prolonger dans le présent ce que Walker Evans, à la fin de sa vie, utilisait comme terme pour décrire sa démarche : « Style documentaire » . Cette programmation a été construite avec la conscience que le style sera moins une question de stylistique que d’éthique, c’est-à-dire une façon de tenir son sujet à distance, d’inclure le hors-champ comme dynamique produite par le spectateur, de penser non seulement la production d’images, mais aussi leur diffusion et leur cohabitation avec d’autres sources d’images. Ces 77 expositions individuelles et 15 expositions collectives ont aussi mené vers d’autres champs d’investigation liés de près ou de loin au style documentaire, que ce soit « l’archivisme » ou les « études visuelles ». Mais peut-être le « style documentaire » a-t-il trouvé son apogée avec l’œuvre de Bernd et Hilla Becher et les débuts des œuvres de leurs étudiants, qui eux-mêmes incarnent – comme Andreas Gursky, Thomas Struth ou Thomas Ruff, pour ne citer qu’eux – non seulement la grandeur mais aussi la décadence de ce style.
Entre leurs débuts à la fin des années 80 et aujourd’hui 2013, les élites, principalement occidentales, ont profondément changé le monde et le monde des images, avec l’année 2001 comme accélérateur des politiques paranoïaques. Le mensonge est devenu raison d’Etat et le catastrophisme la nouvelle religion propulsée par les mass médias. Ce que Guy Debord avançait comme horizon de l’horreur dans les années 60 et 70 et ce que Jean Baudrillard a prophétisé et synthétisé dans les années 80 a pris une tournure qu’aucun des deux penseurs – et pourtant nous parlons des plus lucides que nous ayons connus dans la seconde partie du XXe siècle – n’aurait pu prédire.
Bien avant la digitalisation des photographies, qui démarre lentement dans les années 90, des artistes avaient commencé à subvertir la notion de « document », terme qui colle à la peau de la photographie depuis qu’elle a été ce fantastique instrument pour l’avancée et la popularisation des sciences, surtout – mais pas seulement – naturelles, dans le XIXe siècle, positivisme à l’appui. Cette « croyance » en la force documentaire a été profondément mise en cause par des artistes tels que Cindy Sherman et Jeff Wall à partir de la fin des années 70.
Tant que le vrai faux document restait dans le domaine du symbolique, du côté de l’art, il n’y avait rien à craindre. Mais comme la photographie est ce médium d’une extrême porosité, capable de ronger des catégories et des hiérarchies, elle s’est infiltrée dans le musée (en ruine) aussi avec des images d’actualité, de sciences, etc. Avec le résultat qu’aujourd’hui les actualités ou le social, par exemple, sont traités par les photographes les plus intéressants dans ce domaine avec l’ambition de faire virer leur trace documentaire vers la fiction, tandis que le monde construit et façonné par les femmes et les hommes ressemble de plus en plus à du déjà-vu et que, par conséquent, nos références sont de plus en plus corrompues.
C’est à partir de telles réflexions que *fALSEfAKES* est un essai non pas d’expliquer ce monde chaotique, mais d’être un chaos en soi, laissant le spectateur démuni – dans un premier temps – de toute référence, mais, par le biais d’un guide, offrant la possibilité d’au moins cerner la violence des entrechocs des images, fixes et en mouvement, exposées, provenant des sources les plus diverses. Occupant tous les espaces du « Commun » et du CPG sur 700 m2, *fALSEfAKES* fera par moments écho à des expositions antérieurs ainsi qu’aux deux dernières éditions des 50JPG (PHOTO-TRAFIC de 2006 et LA REVANCHE DE L’ARCHIVE PHOTOGRAPHIQUE de 2010).
Joerg Bader, commissaire de l’exposition Directeur du Centre de la photographie Genève